Fausse bonne idée

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Billets d'humeur
Réponse d'un avocat de province au projet présidentiel de réforme du statut des avocats.

L'argent n'a rien de moderne.

Le pouvoir est la négation de la vie.

La soumission à ces deux données qui ne sont pas des valeurs, est l'abandon de l'humain.

 

De l'admiration, j'en ai beaucoup.
De la fascination pour votre personnage, qui pourrait dire qu'il n'en ressent pas ?
De l'envie pour votre énergie, le dire, c'est confesser de la jalousie.
Mais votre lettre de mission du 30 juin 2008, confiée à la commission DAROIS, c'est à mon sens une erreur de jugement sur les nécessités qu'implique une réforme de l'institution judiciaire.
C'est une appréciation erronée d'une réforme visant la part la plus fragile et la plus diverse de cette institution.
Fragilité et diversité, qui sont l'expression d'une vérité qui a sa source dans le quotidien de nos concitoyens.
Nos concitoyens, Monsieur le Président, aiment leur justice et sont plus nombreux à faire confiance aux avocats de leur quartier qu'à ceux, quelles que soient leurs qualités, qui en sont égloignés parce que ne vivant pas ce quotidien difficile où la part d'ombre de chacun côtoie les rêves de l'autre.
La France est notre pays, l'organisation judiciaire de notre pays est notre héritage commun.
Pensez-vous que les utilisateurs de l'insitution judiciaire telle qu'elle est organisée aujourd'hui, désirent plus la réforme de ses rouages ou la simplification du droit qui passe par une lisibilité des textes, par une efficacité de la réponse donnée et par une accessibilité de ceux qui interviennent en leur nom.
Dans ces rouages existe la profession d'avocat que vous voulez réformer en une grande profession du droit : qui inclura-t-elle dont vous voulez supprimer les ordres, huissiers, avoués, notaires, avocats, salariés des banques, salariés ds compagnies d'assurance, salariés des grandes entreprises exerçant principalement en matière juridique.
La profession d'avocat quant à elle, est une conquête millénaire dont l'indépendance est un hommage à la liberté et qui a su se réformer en essayant chaque jour de trouver des solutions qui lui permette encore d'être efficace et d'exister en contribuant pour beaucoup à l'efficacité de notre système judiciaire.
Pensez-vous que les juges souhaitent une réforme telle qu'ils auraient devant eux des intervenants salariés ?

Vous voulez la soumettre à l'argent, à des sociétés à capital variable qui pourraient répondre aux sollicitations du monde moderne et de ses enjeux internationaux.
L'argent n'a rien de moderne.
Le pouvoir est la négation de la vie.
La soumission à ces deux données qui ne sont pas des valeurs, est l'abandon de l'humain.

L'avocat moderne, sans être rêveur, ne peut devenir comptable des intérêts, vassal et serf des compagnie d'assurances et des puissances d'argent.
Que la réforme du judiciaire, au plan procédural, conduise à ce que la plaidoirie ne soit plus le centre de le profession, il faut, même si je ne le veux pas, l'admettre.
L'évolution nécessaire des procédures est incontournable dans un souci d'efficacité.
Mais que la médiation, dans un monde où ce terme renvoie à la soumission, devienne le mode de règlement des conflits, cela me choque.
Médiation, joli terme.
La vérité est loin.
Rien n'est neutre : le gris est une couleur, le noir en est une autre, le blanc n'est rien, sauf l'absence.
Madame est en colère.
Monsieur est furieux.
Le juge écoute.
Les avocats expliquent.
Les enfants souffrent.
Où est l'avocat que nous envie les sociétés multinationales ?
Et doit-on le détruire pour créer un monstre à dix têtes, allant chacune dans une direction qui est celle de la grande profession du droit.
Le nouveau n'est pas toujours efficace.
Que la profession d'avocat, telle qu'elle existe, ait à être modifiée, est une certitude.
Que ce le soit, pour répondre à une demande qui n'existe pas, me paraît chimère.
Il y aura toujours besoin de l'avocat médecin de campagne qui préfère le don de soi à l'économie pour soi.
Que cette profession voit s'alléger les contraintes qu'elle subit est une nécessité.
Que la fiscalité soit amendée et les ordres modifiés dans leurs attributions, sont des nécessités.
Là est peut-être une solution, ou la solution, pour rendre performante une profession qui contribue chaque jour à ce qu'une vertue soit admise et présente.
La justice est une vertu.
L'auxiliaire de justice qu'est l'avocat en est encore aujourd'hui le collaborateur.
Evitons que collaboration devienne trahison.
Ne nions pas l'argent, mais ne l'invitons pas à participer à redéfinition d'une profession qui est aussi une vocation en même temps qu'elle est mission.
On ne fait pas avocat, on est avocat.
Cette périphrase n'a plus de sens dans le monde profane, mais il demeure signifiant dans la relation à l'Etre.
La vie sociale n'est pas que sociétal, charabia sémantique des civilisations sans avenir.
La profession d'avocat est noble comme étaient les croisés, noble comme les résistants, nobre comme les insoumis.
Elle est noble parce qu'elle incarne une vérité contingente, égoïste, personnelle, qu'elle veut faire loi.
Etre avocat est : accepter de vivre en rupture de ses clients pour porter leurs angoisses, entendre leurs besoins et aider leur détresse.
C'est choisir d'aider, même hors du coût économique réel, les impécunieux, grâce à l'aide juridictionnelle.
Réformer ce système, c'est restaurer une profession, c'est servir les plus pauvres d'entre nous, c'est éviter que notre pays devienne comme d'autres, celui où mille professionnels bloquent une institution et empêhcent que la justice soit rendue.
Il n'est pas besoin de regarder plus loin.
Aider l'indépendance n'est pas une question d'ego, c'est accepter de dire que chaque homme vaut plus que l'institution.
C'est permettre à chacun, à nos concitoyens, de les rassurer dans leur besoin de justice.
Même si celle-ci est contingente, même s'ils la trouvent injuste, elle requiert d'être incarnée, expliquée, vécue, par des hommes et des femmes qui croient en sa vérité, qui croient en l'écoute des autres, qui assistent les pauvres et qui les font entendre par des juges qui écoutent, comprennent et restaurent.
Ce n'est pas en supprimant les juridictions, ce n'est pas en supprimant les professions, ce n'est pas en créant un monstre, qu'il sera répondu à l'espérance des hommes.
Qui mieux que l'avocat actuel sait être à l'écoute de tous, riche, pauvre, banque, assurances, commerçant, chômeur, invalide, escroc, qui mieux que l'avocat de terrain, dans sa ville, dans son quartier, pourra incarner ce besoin social de reconnaissance, d'identité et de respect dû à la loi dont toute société a besoin pour que la paix sociale existe ?
Qui mieux que l'avocat sera le médiateur entre les citoyens, le pouvoir, les institutions et contribuera à la cohésion sociale ?
Dans un temps où le pouvoir rêve de la fin du politique, de la fin de la notion d'Etat, de la fin des Etats nations.
Qui mieux que les avocats saura par choix, par goût et par respect de l'humain, donner une force vive à la transaction et aux accords, source de droit ?
Qui saura être, dans cette évolution, le dernier rempart contre les inégalités, le pouvoir de l'argent, face à la barbarie et au désordre ?
L'avocat, tel qu'il existe en France aujourd'hui avec les difficultés connues par la profession, ces incertitudes et ces doutes, incarne des valeurs et une exigence sociale q'uil ne faut pas casser.
Réformer oui, supprimer non, uniformiser des professions différentes c'est les soumettre à l'argent et donc créer la dépendance.
Ces lignes sont destinées à simplement exprimer le fait que des avocats existent encore, qui croient en leur profession, qui croient aux institutions, qui respectent les juges et qui attendent d'être rassurés.
Ils incarnent la cohésion sociale dont la république a besoin en ce qu'ils participent à l'explication de la violence des temps actuels et de l'obligation d'être ensemble.
La culture est l'amour de l'humain, est est encore aujourd'hui leur credo.